Rugby: le drop-goal, cette arme redoutable qui tombe en désuétude

Il a sacré l’Afrique du Sud en 1995, l’Angleterre en 2003 au terme de prolongations mémorables, fait rentrer Jannie De Beer dans l’histoire et sert encore de prête-nom à Pierre Albaladejo. Pourtant, statistiquement, le drop-goal n’a plus trop la cote dans le rugby d’aujourd’hui. 
Quel joueur, même amateur, n’a pas rêvé un jour d’imiter Joel Stransky ou Jonny Wilkinson pour conquérir le monde, n’a pas jalousé Jannie De Beer, auteur de cinq drops pour botter les Anglais hors du Mondial 1999 (44-21).
« Tenter une pénalité demande moins de pression, prolonge +Titou+ Lamaison. Quand c’est un drop, c’est dans le cours du jeu avec un adversaire qui monte pour te contrer. Il y a une préparation pour être dans des conditions optimales, pas mal de paramètres qui font que s’ils ne sont pas tous positifs, ça devient plus compliqué ». 
Dans son canapé dacquois, Pierre Albaladejo, surnommé « Mister Drop » par les Anglo-Saxons à la fois pour ses trois drops contre l’Irlande en 1960 (le drop valait autant qu’un essai à l’époque, c’est-à-dire 3 points) que par la difficulté à prononcer correctement son nom dans la langue de Shakespeare, frétille quand il voit « un ouvreur impeccablement placé dans une zone du terrain ». 
« Tout est fait aujourd’hui pour s’approcher au plus près de la ligne adverse afin de décrocher les 7 points. C’est mathématique et psychologique, on est dans la comptabilité et dans le business. Les choses ont bien changé », rigole « Bala », 87 ans.
« Il y a un fort déclin pour ce geste technique dans le rugby moderne », regrette ce dernier. « Il est complétement oublié, délaissé et quelquefois utilisé par défaut, notamment en saison régulière où on aime plus porter le ballon et aller jusqu’à la faute adverse pour récupérer une pénalité ou une occasion d’essai. Avant, on le tentait quand on avait pénalité en cours, plus aujourd’hui ». 
L’ancien Berjallien, pour qui « il faut avoir les épaules solides pour tenter un drop », reconnait « qu’on l’associe peut-être à un rugby lent alors qu’aujourd’hui les numéros 10 sont beaucoup plus ambitieux offensivement. On le voit avec les Jalibert, Ntamack et Carbonel, des gamins qui veulent aller au max de l’intensité offensive en portant le ballon ».
« C’est un geste d’instinct qui reste une arme redoutable, poursuit le technicien girondin. Un joueur comme Wilkinson avait cette capacité à mettre des drops à des moments importants et psychologiquement, ça met de la pression à l’adversaire ». 
« Quand les équipes sont mobilisées sur la discipline, très hermétiques et prêtes à lutter sur la ligne d’avantage », énumère Charrier, « quand il y a plus de pression, qu’il faut marquer vite et beaucoup, bizarrement le drop retrouve son intérêt », conclut avec malice Lamaison. 

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