Mondial – « ¡Ko’one’ex Mexico! », le choc contre l’Argentine en langues ancestrales

« ¡Ko’one’ex Mexico! » (allez le Mexique): la Mexicaine Lin Pavon va écrire une page insolite de la Coupe du monde en commentant du Qatar, dans sa langue natale, le choc Mexique-Argentine, qui peut coûter cher à Lionel Messi et l’Albiceleste.
La journaliste et photographe de 32 ans vient d’arriver à Doha pour une première: retranscrire non pas en espagnol mais dans sa langue ancestrale, le nahualt, toute l’émotion d’une rencontre de phase finale de coupe du monde, sur place et dans les conditions du direct.
« C’est une expérience géniale », a-t-elle confié à l’AFP après avoir couvert le match nul contre la Pologne (0-0) mardi au milieu d’une fan-zone à Mexico, parmi des milliers de supporters, avant de s’envoler pour l’émirat.
« Nous avons connu des discriminations dans plusieurs domaines, et c’est une opportunité de les dépasser avec nos langues maternelles », s’enthousiasme la jeune femme originaire de l’état d’Hidalgo (centre-est).
Marginalisé par l’espagnol, le nahualt a légué aux langues latines quelques mots pour désigner des spécialités méso-américaines (cacahuètes, chocolat, tomate…).
« Le nahualt, c’est tous les mots avec lesquels ma mère met de l’harmonie dans ma vie, les mots avec lesquels mon père m’exprimait son amour, des mots qui, depuis que j’ai su parler, expriment mon passé, mon peuple, ma couleur, ma terre et ce que je suis », dit-elle avec ferveur sur sa page Facebook.
Environ 7,3 millions de Mexicains (6,1% de la population) parlent une langue ancestrale (nahuatl, maya, mixe, mixtèque, chatino, zapotèque…), d’après des chiffres officiels.
Lin commente les matches en nahualt pour le compte des stations de Televisa Radio. Mardi, à ses côtés, Adolfo Haas, 31 ans, couvrait la rencontre en maya.
« ko’ochaj tu p’íich » (corner), « tu jo’usai le k’aan tarjeta’o' » (carton jaune), paklan bíin ma’alob ti’ob (match nul): la langue ancienne s’adapte à la modernité du football.
Adolfo affirme que les matches lui rappellent « le jeu de balle maya » (« la pelota maya »), un sport rituel que ses ancêtres pratiquaient il y a des siècles dans la péninsule du Yucatan -l’un des lointains ancêtres du ballon rond.
Sans l’usage ni des pieds, ni des mains, deux équipes se renvoient une balle de caoutchouc de trois kilos, qui ne doit pas toucher terre.
Des terrains de « pelota maya » sont conservés dans les grands ensembles archéologiques comme Chichen Intza. Des guides racontent qu’un joueur était offert en sacrifice humain à l’issue de la partie -mais les historiens ne sont pas tous d’accord sur ce point.
Natif de Campeche (sud), Adolfo tient la promesse qu’il a faite à sa mère sur son lit de mort: « porter partout » la langue qu’elle lui a léguée en héritage.
-« Ko’one’ex ojtik gol »-
Diplômé en sciences de l’information et de la communication, Adolfo est avec Lin le représentant d’une initiative appelée « Commentateurs indigènes – la sélection appartient à tout le monde », sponsorisée par une célèbre marque de bière.
Samedi, le match va faire vibrer les studios de Televisa Radio en espagnol et en langues ancestrales, à l’unisson du reste du Mexique et de l’Argentine. Mention spéciale pour les Mexicains de Buenos Aires et les Argentins de Mexico (à commencer par le sélectionneur du Mexique Gérardo Tata Martino).
L’Argentine doit absolument vaincre après sa retentissante défaite (2-1) face à l’Arabie Saoudite lors de la première journée.
Le Mexique garde lui toutes ses chances après le nul contre la Pologne et l’arrêt décisif d’un pénalty de Robert Lewandowski par son gardien vedette Guillermo « Memo » Ochoa.
Adolfo espère bien avoir l’occasion de « Ko’one’ex ojtik gol » (célébrer un but) pour le Mexique. Il rêve que son équipe « Yíik le k’aaso » -rompe le maléfice d’une élimination précoce en phase finale. Le Mexique n’a jamais dépassé les quarts de finale de la compétition, stade atteint lors des deux éditions organisées à domicile (1970 et 86).
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