Les « Charly », les yeux du Dakar sur le terrain, une épaule pour les pilotes

Le Dakar en 2023, c’est un traçage de pointe des concurrents, des roadbooks digitaux, des voitures hybrides. C’est aussi et toujours les « Charly » et leur tampon à l’ancienne, rare présence humaine sur le terrain qui veille à la sécurité et, aussi, réconforte des pilotes. 
A l’origine, ces équipes, qui tiennent leur surnom du code orthographique militaire, étaient le seul moyen pour constater que les pilotes avaient franchi tel ou tel point de passage. 
Aujourd’hui supplantés par les GPS sur les véhicules, ils sont devenus des doublons en cas d’avarie technique et restent les yeux et les oreilles de la course: 14 équipes composées d’amoureux du raid qu’ils soient ingénieur, médecin ou artisan à la ville.
Ils sont postés le long des routes, sur des Contrôle de passage (CP) déterminés en fonction des zones accidentogènes ou de « neutralisation » — l’arrêt à la pompe où, par souci d’équité, tous les motards doivent s’arrêter 20 minutes. 
Quand le Paris-Dakar traversait des villages en Afrique et comptait du public, celui en Arabie saoudite prend soin d’éviter les zones d’habitation. Il reste toutefois des traversées de voies rapides à superviser, des itinérances de nomades à prendre en compte, et des règles à faire respecter. 
– Eclaireur –
« Nous sommes des commissaires sportifs, garants du respect des règles fixées par les fédérations, et nous pouvons faire des signalements si nous observons des entorses au règlement », explique Thierry Roy, l’un des Charly sur un bord de route en pleine zone désertique de l’ouest saoudien, où foncent camions-citernes et gros pick-up.
L’ouverture du « CP » a lieu une heure avant le passage du premier concurrent, la fermeture théorique une heure après l’heure théorique du dernier concurrent. 
« Mais si les conditions météo sont particulières, on peut rester plus, y compris toute la nuit » et aussi partir en éclaireur sur des tronçons du parcours pour en vérifier la praticabilité, explique Samuel Lame, responsable coordinateur d’équipes, notamment celles des Charly. 
Derrière lui, des motards défilent avec la même cadence. La feuille de route leur a signalé ce CP et la zone de vitesse réduite qui lui est associée. Ils décélèrent, mettent pied à terre, et un Charly vient tamponner le carton de pointage vert donné au départ et scotché sur la selle. Puis le motard repart, remet les gaz sitôt le croisement passé. 
Ces vigies des pistes sont en lien avec le Poste de contrôle des opérations basé sur le bivouac, lui-même doublé d’une cellule de crise à Paris. 
– « Présence humaine » –
Dans le PCO, un camion mobile, les mouvements des concurrents sont scrutés sur une dizaine d’écrans, ceux des motos et quads plus particulièrement: en vert ceux qui roulent, en bleu ceux arrêtés depuis plus de 20 minutes, en rouge ceux dont on a perdu la trace. « On peut d’ici demander aux Charly de nous signaler le passage d’un concurrent qui a eu des difficultés les kilomètres avant, ou leur demander de lui remettre un téléphone si son matériel est défaillant », explique Quentin Potherat, coordinateur du PCO.
Les Charly peuvent être bien plus que des simples tamponneurs, et devenir l’épaule sur laquelle s’appuient des concurrents éreintés du rallye-raid réputé pour sa difficulté.  
« Ça nous arrive de jouer les psys, et c’est arrivé une paire de fois de ramasser des gars qui disaient +j’en peux plus! C’est pas pour moi+ », raconte Samuel Lame. « Alors il faut les remotiver, sans les forcer non plus pour ne pas dépasser leurs limites. Quand ils repartent, ils nous remercient après ». 
« Les pros tracent au CP, mais les amateurs sont souvent bien contents de nous voir, d’avoir une présence humaine ». Une bouteille d’eau, un mot peuvent aider à les remettre en selle, ou pas, confirme Thierry Roy qui évoque de « belles anecdotes », dont une au Pérou.  
« Le CP était juste après une énorme dune. On a vu débouler un motard aux allures de brute épaisse, dit-il. Quand il est arrivé à notre niveau, il a fondu en sanglots. On lui a installé un lit et il a passé la nuit avec nous. C’est pour des moments comme ça qu’on est des Charly ».
al/cyj

Des chameaux marchent le long des dunes lors de la 5e étape du Dakar autour de Haïl, en Arabie saoudite, le 5 janvier 2023

Des chameaux marchent le long des dunes lors de la 5e étape du Dakar autour de Haïl, en Arabie saoudite, le 5 janvier 2023

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