Indre: le club de foot d’un village berrichon sauvé par des migrants

« Nous comptons plus de nationalités que la Berrichonne de Châteauroux »: au bord du gouffre faute de licenciés, le club de football d’Argy (Indre) a été sauvé par une quinzaine de demandeurs d’asile, de huit nationalités différentes.
Sur la pelouse du petit Stade municipal d’Argy, 610 habitants, l’entraîneur Michel Manique et son épouse Elise disposent des cônes orange et des piquets de slalom. Les rires fusent depuis le club-house, en bordure de terrain.
Les joueurs arrivent les uns après les autres. Ils se saluent d’un check, poing contre poing. Michel, l’entraîneur joueur, distribue les chasubles sous le soleil rasant du début de soirée. 
L’effectif est au complet. « Un exploit. Nous avons monté l’équipe en quinze jours. A la fin de la saison dernière nous n’étions plus que six. La mort dans l’âme, nous avions prévenu le District de l’Indre de notre intention de mettre le club en sommeil », se souvient le coach, chauffeur-livreur de profession.
L’US Argy qui évolue en quatrième division départementale, l’avant-dernier échelon de l’Indre, a effectivement failli disparaître au printemps 2022, en raison d’un manque de licenciés. C’était sans compter la proposition d’un des joueurs de faire venir ses copains, pour la plupart hébergés dans le Centre d’accueil de demandeurs d’asile de Buzançais, à un peu plus de 6 kilomètres du village. 
L’idée a fait son chemin. « Au mois de juillet, les jeunes sont venus nous voir. Ils nous ont expliqué qu’ils se réunissaient dans un parc, pour jouer entre eux. Mais ils désiraient aller plus loin, monter une structure pour participer à un championnat. C’était un casse-tête impossible pour eux », raconte Jean-Marie Biaunier, métallier serrurier et président du club.
« La structure nous, nous l’avions. Ce sont les joueurs qui nous manquaient. Ça a matché tout de suite entre nous. On a pu commencer une très belle aventure qui dure depuis bientôt un an », apprécie le dirigeant âgé de 62 ans, malgré les obstacles. 
Réaliser les licences n’a en effet pas été une mince affaire sur le plan administratif. Le club a dû demander des autorisations aux fédérations de chaque pays pour faire signer les joueurs. L’US Argy a été contrainte d’entamer la saison avec une semaine de retard. 
Quelques mois plus tard, le club évolue à la troisième place de son championnat.
« Nous comptons plus de nationalité que la Berrichonne de Châteauroux, le club phare du département qui évolue en National: gambienne, malienne, guinéenne, salvadorienne, colombienne, ivoirienne, haïtienne … et bien sûr française », se félicite le président.
-« Ils sont bien nos petits joueurs! »-
« Ça parle dans toute les langues! », s’amuse le capitaine Jérémy Logie. « Lors des coups-francs ou bien lorsque certains joueurs ne sont pas d’accord entre eux, je ne comprends pas toujours tout. Mais peu importe, à l’arrivée, c’est le foot qui nous réunit. L’ambiance est très cordiale. »
Ally, qui n’a pas souhaité donner son nom complet, a 19 ans et vient de Côte d’Ivoire. 
« On est contents d’avoir permis de sauver le club. Ça nous motive pour travailler plus. L’ambition c’est de monter bientôt en troisième division! », assure le jeune homme, qui vient de trouver un emploi dans l’industrie textile. 
Telly, 22 ans, est Guinéen. Le jeune chaudronnier rejoint ses camarades à l’entraînement, après avoir pris une leçon de conduite. « On forme une petite famille. Quand on joue au foot, on oublie tous les problèmes ».
Au bord du terrain, Bernadette Logie, retraitée et mère du capitaine du club, tient la buvette. « Dans peu de temps, il n’y aura plus de boulangerie. Il n’y a plus d’épicerie en ce moment. S’il n’y avait plus de club de foot, le village serait mort. Ils sont bien nos petits joueurs! »
Un avis partagé par Bernadette Villemont, la maire d’Argy. « Ils ont su répondre positivement. C’est un bel exemple d’intégration », s’enthousiasme l’élue. « Grâce à eux, on n’a jamais vu autant de spectateurs le dimanche. »
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