Après l’effondrement de Furiani, des vies « en fauteuil » et en souffrance

Grièvement blessés lors de l’effondrement d’une tribune dans le stade de Furiani, en Corse, le 5 mai 1992 avant un match Bastia-Marseille, Paul Calassi, 73 ans, et Karine Grimaldi, 49 ans, « trainent leur mal » au quotidien depuis trente ans.
L’AFP les avait rencontrés en 2012 et les a de nouveau fait témoigner à l’occasion du 30e anniversaire de cette catastrophe. 
. Karine Grimaldi: « La souffrance reste la même »
Elle n’était qu’une jeune femme de 18 ans lorsque la tribune s’est effondrée sur elle et tant d’autres spectateurs, faisant 19 morts et 2.357 blessés. 
« J’ai fait plus de vie en fauteuil, que valide. Trente ans, c’est une vie », assène celle qui est tétraplégique depuis 1992.
« La souffrance est toujours la même. On n’est pas seulement blessé le jour où on tombe. On traine notre mal au quotidien avec ce fauteuil », assure-t-elle. 
Quand l’AFP l’avait rencontrée en 2012, elle faisait de la plongée et peignait, « car il faut avoir la force d’avancer ». 
Aujourd’hui, Karine s’est mariée, a « des activités sportives ou associatives », joue au ping-pong, mais raconte des journées « longues parce qu’on ne travaille pas ».
Elle se souvient encore de sa chute: « Au sol, les cris, ce brouhaha, tout ce métal. Ces bruits me font encore sursauter aujourd’hui. L’inconscient les met de côté, mais ça revient quand même. » 
Elle ne participera pas à la commémoration au stade: « inconcevable » d’y retourner. « J’ai toujours été d’accord pour que le stade reste à sa place pour ne pas que l’on oublie mais je ne peux pas m’y rendre ». 
L’anniversaire est d’autant plus difficile à vivre pour Karine qu’elle a perdu son père cette année, un « vivant-mort » après cette catastrophe selon ses mots, qui lui avait ôté une fille, la soeur de Karine, et laissé l’autre handicapée à vie.
La « reconnaissance nationale » du 5 mai est importante pour Karine, mais elle regrette qu’un match de Ligue Europa se joue quand même jeudi à Marseille (OM-Feyenoord Rotterdam). « Cela me choque. Ça reste l’OM qui va jouer. Il va y avoir de la joie et nous on va pleurer. Il n’y a pas eu d’écoute même si il va y avoir des banderoles pour nous soutenir ».
. Paul Calassi: « Une vie encore pire »
Il avait 44 ans quand sa vie a basculé. Le 5 mai 1992, Paul Calassi était tout en haut de la tribune qui s’est effondrée, à 17 mètres du sol. « Je suis parti dans le vide », se souvient-il en évoquant un accident qui l’a rendu paraplégique. 
Il habite toujours dans le village de Poggio d’Oletta (Haute-Corse), à une vingtaine de kilomètres du stade de Furiani. Vingt ans après la catastrophe, il avait raconté à l’AFP, les trois semaines de réanimation, puis les huit mois en rééducation sur le continent avant de revenir en Corse, vivre une vie bouleversée. Celui qui allait devenir propriétaire d’un restaurant à Nice n’a plus pu travailler et devait aller régulièrement à l’hôpital de Bastia pour se faire soigner.
« Trente ans après l’accident, mon état de santé s’est à nouveau dégradé », a-t-il raconté à l’AFP par téléphone. « Depuis cinq ou six ans, j’ai été amputé de la jambe droite ». Paul n’a plus aucune autonomie: « Je suis alité depuis quelque temps, j’ai perdu 30 kilos. Je n’ai même plus la force de me lever tout seul. »
« Une vie encore pire que celle que j’ai vécue », constate-t-il, avouant que « le drame est toujours présent ». 
Paul Calassi a gardé une « haine envers les responsables ». « Il y a eu une construction sans autorisation, la démolition de l’ancienne tribune, sans autorisation, accuse-t-il. Cela fait gamberger ».
Au sujet de la sacralisation du 5 mai, obtenue en octobre – aucun match professionnel dans le cadre d’une compétition française ne peut plus se tenir à cette date – M. Calassi ne comprend pas qu’il ait fallu autant de temps pour voter cette loi: « C’est atroce, indécent, vis-à-vis des blessés et des morts. C’était pourtant simple de supprimer cette date ».
ag-ebe-jp/iw/jr/jde

Karine Grimaldi assiste aux commémorations des 30 ans de l'effondrement d'une tribune de Furiani, le 5 mai 2022 à Furiani, en Corse

Karine Grimaldi assiste aux commémorations des 30 ans de l’effondrement d’une tribune de Furiani, le 5 mai 2022 à Furiani, en Corse

Paul Calassi, gravement blessé dans l'effondrement de la tribune du stade de Furiani en mai 1992, lors d'une interview chez lui, le 23 avril 2012 à Poggio d'Oletta, en Corse

Paul Calassi, gravement blessé dans l’effondrement de la tribune du stade de Furiani en mai 1992, lors d’une interview chez lui, le 23 avril 2012 à Poggio d’Oletta, en Corse

La tribune effondrée du stade de Furiani, au lendemain du drame, le 6 mai 1992 en Corse

La tribune effondrée du stade de Furiani, au lendemain du drame, le 6 mai 1992 en Corse

Une banderole appelle à ne pas tenir de match professionnel le 5 mai en hommage aux victimes de l'effondrement d'une tribune au stade de Furiani, le 4 mai 2013 au stade Vélodrome de Marseille

Une banderole appelle à ne pas tenir de match professionnel le 5 mai en hommage aux victimes de l’effondrement d’une tribune au stade de Furiani, le 4 mai 2013 au stade Vélodrome de Marseille

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